samedi 21 juillet 2012

Paris Gare du Nord, de Joy Sorman




En mai 2011, Joy Sorman s'installe une semaine gare du Nord, pour voir. Sans jamais monter dans un train, un RER ou un métro, elle observe la gare à toutes les heures de la journée. Elle en rapporte ce récit, écrit sur le vif, d'une semaine passée là où d'ordinaire on ne s'arrête pas. (présentation de l'éditeur).

J'ai trouvé ce petit livre (qui se lit très vite, en une demi-heure) à l'école où je travaille. J'ai vraiment beaucoup apprécié cette petite lecture, en plein dans mes préoccupations du moment. Non pas que je m'intéresse aux trains (quoique à force de les prendre, je finis par y être un peu comme chez moi), mais plutôt au temps. Le temps qui passe, le temps de la personne, le temps que l'on a pour soi, le temps que l'on donne aux autres, le temps de l'évolution, le temps qui manque, l'immédiateté d'internet... et là, dès le début, c'était en plein dans le thème :

[...] Et quand on se pose quelque part pour ne plus en bouger il se passe des choses invraisemblables, des choses qui surgissent parce qu'on a pris le temps de les attendre, parce qu'on est resté.
[...] je vois sortir de la gare une adolescente en pantalon ethnique et sandales de cuir : elle tient un hamster par la main. C'est-à-dire que le hamster pend dans le vide, tenu par la patte avant droite. [...] Suivent un curé en soutane sous un chapeau de paille à larges bords et fumant une clope roulée, puis deux soeurs jumelles octogénaires aux cheveux rouges.
C'est au moins un film de Peter Sellers. (p. 9 et 10).

Voilà. C'est ça que je découvre. L'observation, le temps gratuit que l'on prend, tel un arrêt sur image, pour regarder. C'est tellement différent de ce que je vis chaque jour, et pourtant si quotidien (je fais beaucoup d'allers-retours en train), c'est une sorte de redécouverte de mon propre quotidien... Oui, vraiment, j'ai beaucoup aimé ce récit. Il n'y a pas d'intrigue, il n'y a pas d'histoire, juste des personnages que l'on croise une ou plusieurs fois, au fil de la semaine. On y trouve les conducteurs de métros, le chef de la sécurité, des voyageurs, le responsable de la vidéosurveillance, des prostitué(e)s, des sans-abris, des agents de nettoyage... tous ceux que l'on ne voit pas, ou plutôt, que l'on ne voit plus (sauf les contrôleurs !), sans qui, pourtant, la gare ne serait pas tout à fait la même, voire serait sans doute une zone de non-droit, un endroit sale et dangereux... On y découvre aussi des espaces qui sont d'habitude cachés aux clients, ou tout simplement dans lesquels on ne s'arrête jamais, tellement on est pressé par un train ou un métro à prendre. Un peu comme l'envers du décor, en somme.
C'est bien écrit, avec de très courts "chapitres" qui racontent, dans un style rythmé et dense, les observations de l'auteur au fil des heures et des jours de la semaine qu'elle passe ainsi en observation.
Ce petit livre est donc une très jolie découverte !

Paru aux éditions Gallimard (L'Arbalète), 2011. ISBN : 978-2-07-013557-8.

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