mercredi 20 mars 2013

Digne d'une reine, de Giulio De Vita et Yves Sente


Digne d'une reine est le troisième tome de la série Kriss de Valnor, l'un des spin-off de la série Thorgal, regroupés sous l'intitulé Les Mondes de Thorgal. Oui, je sais, c'est un peu compliqué, ces séries dans les séries... D'autant plus qu'il existe aussi la série Louve et que Thorgal, la série-mère, continue (on arrivera bientôt au numéro 34, à paraître). Par ailleurs, un nouveau « monde » s'ouvre sur La jeunesse de Thorgal. Bref, on n'a pas fini d'en parler, et surtout de s'y perdre.

Je suis fan de Thorgal depuis mon adolescence, avec une grande préférence quand même pour les vingt premiers albums en gros. Mais le personnage de Kriss de Valnor, rencontré dès le début de la série, m'a toujours fascinée. C'est un peu l'antithèse de Thorgal : la noirceur, la beauté, le cynisme et l'habileté de cette femme sont finalement comme le reflet inversé de Thorgal et expliquent, pour moi, l'impossibilité pour ces deux-là de se séparer réellement. Mais bon, là, on est dans la pure spéculation, hein !

Ici, le lecteur est propulsé dans la vie de Kriss de Valnor (sans Thorgal, donc), après sa mort et sa « résurrection » suite à la Sentence des Walkyries (tome 2). Kriss se réveille dans le monde réel, où elle a été soignée par une femme, mais a oublié ce qu'elle fait là... Il semble que dans le monde de Thorgal, les héros aient du mal à quitter leur vie ! De même, l'oubli, le fait d'être propulsé dans un monde que l'on ne connaît pas, font partie des thèmes récurrents de la série. A plusieurs reprises, Thorgal se retrouve amnésique, dans un monde qu'il ne connaît pas, où il se trouve être le jouet des Dieux et des puissants de ce monde... C'est un peu le cas ici aussi, d'une autre manière. En particulier, on suit aussi l'histoire du pays où Kriss se trouve à ce moment-là, fait de guerres intestines, de combats, de rapines... Le royaume est en proie à une guerre des chefs et Kriss et son amie se retrouvent au cœur du conflit.

Malgré le changement d'auteurs (la série Thorgal a été créée par Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski), l'univers recréé par ceux qui ont pris la suite est plutôt fidèle à la série originale. On y retrouve les mêmes ingrédients, un graphisme proche, même si Giulio De Vita a son propre trait et qu'une nette différence se voit entre le dessin de Rosinski et le sien. Il existe toutefois une sorte de parenté graphique entre les deux, qui donne une certaine cohérence à l'ensemble.
Du point de vue du scénario, l'intrigue ne m'a pas vraiment surprise : l'univers de Thorgal est peuplé de ces guerres intestines et de ces luttes de pouvoir. Le seul élément nouveau est l'orientation sexuelle de Kriss de Valnor, même si, là encore, il s'agit d'un prolongement de ce que la série Thorgal laissait sous-entendre sans aller jusqu'à le dire explicitement... L'homosexualité est un thème plutôt porteur, en ce moment, voire très « politiquement correct »... (ceux qui ont lu mon autre blog savent ce que je pense des questions sociétales du moment). Il s'agit ici, heureusement, d'une bande dessinée. Mais ce thème de l'homosexualité m'a laissée quelque peu interloquée : même si la relation en elle-même n'est pas le ressort principal de l'intrigue, il n'en demeure pas moins qu'il sous-tend une bonne partie de l'histoire et lui donne un relief qu'il n'aurait sans doute pas autrement.

En résumé, cette bande dessinée m'a plutôt bien plu, même si certains de ses aspects me laissent songeuse. Comme si l'homosexualité devait être forcément évoquée de nos jours...
Par ailleurs, il y a quand même un petit « quelque chose » qui m'ennuie : le fait que tout soit presque aussi prévisible que ça... Comme si, justement, les auteurs ne voulaient pas trahir la série originale et décidé de mettre de côté leur propre créativité ? Entre cohérence et originalité, mon cœur balance...

Paru aux Editions Le Lombard, 2012. ISBN : 978-2-8036-3129-2.

samedi 16 mars 2013

Aâma, tome 2 : La multitude invisible, de Frederik Peeters


J'ai reçu cette bande dessinée dans le cadre de l'opération « La BD fait son festival », organisée par le site Price Minister. Le principe est simple : une BD contre une critique.

J'ai donc demandé Aâma (le tome 2, eh oui, nul n'est parfait... Va falloir que j'aille en librairie chercher le tome 1 histoire de comprendre toutes les subtilités de la série, mais heureusement, ça ne m'empêche pas d'apprécier les qualités de cette bande dessinée ! Oui, j'aime prendre des risques, il faut croire...). Pourquoi donc ai-je demandé cette bande dessinée et pas une autre ? Parce que je suis incapable de me souvenir des noms des auteurs. Ben oui, c'est comme ça. J'ai vu « Peeters » sur la couverture. Et ça m'a rappelé « Les Cités Obscures », dont je n'ai lu qu'un tome (il va vite falloir que je comble cet écueil d'ailleurs, à noter dans ma « wish-list », comme on dit sur les blogs littéraires) et qui m'avait bien plu. J'ai donc très naïvement cru qu'il s'agissait du même auteur, en solo cette fois-ci, et je me suis dit « pourquoi pas lui ? ». C'est finalement une bonne chose, ça me permet de découvrir un auteur dont je ne sais absolument rien.

Alors je vais rassurer tout de suite l'éditeur et l'organisateur : malgré la méprise à l'origine du choix, je n'ai pas de regrets parce que l'objectif de départ est atteint : découvrir un auteur que je ne connais pas. Et pourtant, ça partait plutôt mal quand j'ai reçu la bande dessinée par la poste : tome 2 sans avoir lu le premier, ignorance totale de l'univers de l'auteur, de son trait, de sa sensibilité et, bien sûr, de l'univers d'Aâma dont je n'avais jamais entendu parler.
Et pourtant, vous disais-je, j'ai été séduite par cette bd.
Tout commence dans le tome 1 bien sûr, et dans le tome 2, on arrive immédiatement dans l'action, qui s'ouvre sur un désert étrange, avec cinq personnes sur des « ambulateurs », sortes de sièges-véhicules surélevés sur trois « pattes » métalliques. D'entrée de jeu le ton est donné : nous sommes en pleine science fiction, ouf ! Au moins, là, je ne m'étais pas complètement trompée ! Et ça tombe bien : j'aime beaucoup la SF en BD (comme vous avez sûrement dû vous en rendre compte à la lecture de ce blog).
Le personnage principal, le narrateur, est un homme nommé Verloc. Il fait partie d'une expédition sur une planète qui me semble leur être inconnue. Le chef de l'expédition est Conrad, frère de Verloc. Cette expédition, que Verloc raconte dans son journal, a pour but de trouver la substance aâma. Ne me demandez pas ce que c'est que cette substance : l'explication est vraisemblablement dans le tome 1 et la substance elle-même visible sans doute dans le tome 3 qui n'est pas encore paru. Autant dire que je nage, à ce sujet-là, en plein brouillard. Mais c'est finalement assez accessoire parce que ce qui est raconté ici, c'est autant l'expédition elle-même que l'histoire de Verloc, qu'il raconte à la femme qui les accompagne, Myo.
Il y a donc une histoire dans l'histoire, comme c'est souvent le cas dans les longs récits (ici, la bd elle-même fait 86 pages, ce qui laisse largement à l'auteur le temps et le loisir de bien développer les personnages, ce que j'ai particulièrement apprécié), avec un certain nombre d'allers-retours dans le passé. L'histoire se passe dans un futur lointain, et Verloc est un homme qui remet en question le « tout-technologique » du monde dans lequel il vit. Il raconte à Myo sa rencontre avec sa femme, la naissance « entièrement naturelle » de sa fille, les troubles de celle-ci, la rupture avec sa femme...
Dans le même temps, on assiste à la progression de la petite expédition dans un monde inconnu, où les protagonistes vont rencontrer une expérience lancée par un certain Woland. Cette expérience, apparemment, a pour but de recréer artificiellement la vie sur une planète qui semble stérile, et ce que j'ai pu comprendre, c'est que pour y parvenir, Woland a utilisé la substance aâma (reste à savoir qui est Woland, mais ça, ce sera pour le tome 1 je suppose).

J'avoue que je suis passée par des sentiments très contradictoires à la lecture de la bd. Rassurée au début d'entrer dans un monde qui m'est quelque peu familier (la science-fiction), j'ai été séduite par le héros, Verloc, qui m'a semblé porteur de valeurs que je trouve importantes, notamment dans son refus du tout-technologique et sa volonté de revenir à un peu de nature.
Je n'ai en revanche pas été conquise par le dessin de l'auteur. Je trouve les personnages assez durs dans leurs expressions et en même temps lisses d'un point de vue graphique, comme s'ils manquaient de profondeur ou de personnalité. En revanche, le traitement de l'environnement est plutôt réussi à mon goût, puisque l'auteur fait preuve d'une vraie imagination à chaque page de la bande dessinée. Il a été capable de recréer un univers improbable, fait de robots, mais aussi d'ébauches de vies telles qu'elles ont peut-être existé au commencement de notre propre monde, sur Terre, bien avant l'apparition de l'homme. Un mélange de futurisme et de nos repères préhistoriques plutôt intéressant en ce sens que la faune et la flore décrites n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé sur Terre, mais peuvent représenter de manière crédible le foisonnement qui a présidé à la construction de la faune et la flore terrestre, où toutes les expériences ont été tentées par la nature, y compris les plus improbables. On assiste de plus à une vraie progression graphique (dans le dessin, mais aussi et surtout dans les couleurs), qui raconte bien plus que le récit lui-même l'évolution de cet environnement, mais aussi ses dangers et les incertitudes qu'il suscite auprès des protagonistes.
Par certains côtés (le foisonnement, l'imagination...), ces planches décrivant la planète où ils se trouvent et l'environnement qui entoure les personnages, j'ai souvent pensé à la série Le Cycle de Cyann, au moins dans sa troisième partie, La Clé des Confins, véritable encyclopédie d'Ohl et d'Ilo. La comparaison s'arrête là, bien sûr, mais elle a sans doute joué un rôle dans mon adhésion à cet univers.
En revanche, j'ai trouvé la bd assez dure, assez crue, et très violente à certains moments, voire carrément glauque. Alors certes, on est bien dans une bd pour adultes, mais à force de voir l'horreur, le sang, tout cela finit par atténuer la force du propos. J'ai par exemple été bien plus impressionnée par le tome deux du Cycle de Cyann, tout aussi atroce par certains côtés, où les choses sont plus suggérées que montrées. L'imagination fait parfois plus que le trait d'un dessinateur qui, à force de trop décrire l'horreur, finit par la banaliser...

En définitive, j'ai un avis plutôt positif sur cette bande dessinée, et j'ai envie d'en connaître le début et la fin (le troisième tome devrait venir !), ce qui est plutôt très bon signe chez moi. En revanche, cette bande dessinée ne fera sans doute pas partie, pour moi, des chefs-d'œuvre vers lesquels je retourne régulièrement. Il y manque un petit « quelque chose » qui aurait pu me conquérir vraiment.

Cette bande dessinée a obtenu le Prix de la Série au Festival d'Angoulême. C'est sans doute mérité, il faudrait vraiment que je lise le début pour en être certaine. Ce sera sans doute chose faite dans quelques temps !

Un grand merci à Price Minister pour cette opération et à l'éditeur, Gallimard, pour l'envoi de la bande dessinée !
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l'univers d'Aâma, vous pouvez cliquer ici pour voir le blog de l'auteur.

mercredi 13 mars 2013

Le Cycle de Cyann, tome 5 : les Couloirs de l'Entretemps, de François Bourgeon et Claude Lacroix


Le Cycle de Cyann, série mythique pour moi, avec La sOurce et la sOnde (1993) et Six Saisons sur ilO (1997), complétée, toujours en 1997, par La Clé des confins : d'Olh à ilO et au-delà. Ce dernier tome, un hors-série, n'est pas à proprement parler une bande dessinée, mais plutôt une sorte d'encyclopédie sur le monde de Cyann et les deux premiers volumes de la série. On y trouve des articles sur la biologie, la botanique, les planètes, l'histoire des civilisations, ainsi que quelques bandes « hors BD », qui complètent les deux premiers volumes, sans pour autant être indispensables à leur lecture. Une sorte de complément pour entrer davantage dans l'univers décrit par Bourgeon et Lacroix, ce qui en fait un monde complexe et cohérent de bout en bout.

Si les 3e et 4e albums m'avaient quelque peu déroutée et paru déconnectés des débuts de la série, j'ai eu plaisir à lire ce 5e opus, où j'ai eu l'impression de retrouver la Cyann des débuts. Bourgeon et Lacroix reviennent ici aux sources, sur Olh, on y retrouve certains personnages du début (Azurée, la petite soeur de Cyann, qui a bien changé dans cet album, ainsi que Nacara, l'ex-meilleure amie de Cyann), mais dans des conditions différentes. Le temps a passé, les choses ont changé sur Olh, la situation politique aussi, et les voyages de Cyann l'ont quelque peu déconnectée de la réalité sur sa planète d'origine. L'ambiance est toujours la même, mais Cyann est un peu moins délurée, plus mature qu'au début de la série. Elle a plus d'expérience, plus conscience de l'importance et de la portée de ses actes.
Les décors sont toujours aussi grandioses, imaginatifs, inventifs et curieux, avec cette cohérence dont Bourgeon sait faire preuve à chaque fois.
On est donc là en plein dans la science-fiction, et c'est comme un retour aux sources de la série...

Pour un peu plus d'infos, vous pouvez consulter cette vidéo.

Paru aux éditions 12 bis, 2012. ISBN : 978-2-35648-323-2.

mercredi 6 mars 2013

Elinor Jones, tome 3 : Le bal d'été, de Aurore et Algésiras


Troisième et dernier tome de la série Elinor Jones, le bal d'été débute sur une scène champêtre et bucolique qui va trancher avec tout le reste de ce volume : l'insouciance est de mise dans cette scène d'ouverture, avant des pages beaucoup plus sombres.
Je ne veux pas en dire plus sur l'intrigue pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. (voir ici et pour les deux premiers tomes).

Cet album est digne des précédents, avec tout d'abord un dessin superbe, toujours aussi précis, coloré et expressif. Le bal d'été est là encore l'occasion d'une débauche de couleurs et de beauté, de détails dans le dessin, mais contrairement aux deux précédents volumes, il ne prend qu'une place secondaire dans le récit, celui-ci étant occupé à résoudre les différentes intrigues commencées dans les deux premiers tomes. Intrigues qui prennent d'ailleurs tout leur sens et leur ampleur, avec un dénouement plutôt inattendu pour la famille Tiffany (mais chut ! Je ne vous en dirai pas plus !).

Si j'ai été conquise par le dessin et l'orientation générale de la bande dessinée dans son ensemble, j'ai toutefois été quelque peu déçue par l'intrigue elle-même : Elinor, pourtant personnage principal de l'histoire, m'a semblée, à la lecture, reléguée au second plan. Son rôle dans l'histoire justifie peut-être ce traitement, mais j'avoue avoir été à la fois heureuse d'en savoir plus sur les personnages secondaires, et déçue par Elinor, comme si un petit quelque chose avait manqué.

Cette petite réserve mise à part, précipitez-vous sur cette série, si ce n'est pas encore fait : elle est vraiment superbe !

Paru aux éditions Soleil, 2012. ISBN : 978-2-302-02417-5.