mardi 26 juillet 2016

Silo, de Hugh Howey



Mes collègues m'ont offert ce roman à la fin du mois de juin. D'habitude, quand on m'offre un livre, j'ai du mal à l'ouvrir si je n'en ai pas entendu parler ou si je ne l'ai pas repéré auparavant. Là, par curiosité, j'ai lu la première page... et je n'ai plus lâché le livre. Avec quatre enfants à la maison à temps plein (vacances obligent !), autant dire que c'est une performance et que j'ai beaucoup aimé. Parce qu'il y a plus de 600 pages quand même !

Alors cette histoire se passe vraisemblablement dans le futur. Vraisemblablement, parce qu'on n'a aucune indication de date dans tout le roman. Seulement des faisceaux d'indices permettant de situer l'intrigue plusieurs centaines d'années après un événement cataclysmique qui a obligé les survivants à vivre sous terre, dans un silo, afin de se protéger de l'atmosphère terrestre, devenue mortelle pour les êtres humains.
Cette communauté vit à la manière d'une fourmilière, chacun ayant sa tâche, son travail, et son « ombre », adolescent(e) chargé(e) d'observer son aîné(e) afin d'apprendre auprès de lui ou d'elle son futur travail. Ainsi, le silo peut continuer à fonctionner indéfiniment. La population est volontairement contrôlée drastiquement, pour éviter toute surpopulation, les candidats à la parentalité devant s'inscrire à la loterie. Le couple gagnant a un an pour avoir un enfant…
Toute une mythologie s'est également développée à l'intérieur du silo, avec en particulier un souci important de ce que devient la personne après sa mort. Et puis, il y a les lois mises en place, très sévères pour qui les enfreint. La plus lourde peine étant le « nettoyage », véritable condamnation à mort pour qui est pris à parler de l'extérieur ou à émettre des doutes quant aux décisions prises par les dirigeants du silo.
Seulement voilà, l'attrait de certains pour ce « dehors » est si fort que cela commence à provoquer des événements troublants, depuis le « suicide » d'une informaticienne jusqu'à celui de son shérif de mari, qui va d'ailleurs déclencher, à la manière d'une réaction en chaîne, une somme d'événements susceptibles de renvoyer le silo aux heures les plus sombres de son histoire, celles de la mythique Insurrection.

On est donc ici dans un vrai et bon roman de science fiction, qui dit énormément de choses sur la nature humaine, depuis la soif de liberté jusqu'à la volonté de comprendre, de vivre, de donner simplement un sens et du sacré à sa vie… Les personnages sont très bien campés, nuancés, attachants, et c'est toute une galerie de portraits que le lecteur rencontre, certains faisant froid dans le dos (le méchant est bien méchant, un vrai de vrai, même si, lui aussi, est décrit de manière humaine et nuancée), d'autres étant tellement sympathiques que l'on voudrait les suivre et les retrouver. Le silo lui-même est d'ailleurs un véritable personnage à part entière, avec ses mystères, ses secrets, ses zones lumineuses et sombres, son histoire mouvementée…

L'auteur sait manier le suspense et a construit ici une intrigue haletante, dans un monde horrible mais extrêmement cohérent. Le silo dévoile certains traits de l'humanité que nous connaissons tous, exacerbés par le huis-clos où ces hommes et ces femmes sont obligés de vivre : recherche et quête du pouvoir à tout prix, corruption, interrogations sur le sens de la vie, sur le pourquoi des lois qui régissent cette société en forme de microcosme, sur la transgression…
J'ai regretté d'être arrivée à la fin. Mais la bonne nouvelle, c'est que deux autres tomes sont parus : un « avant » et un « après » !


Paru aux éditions Actes Sud (Babel), 2014. ISBN : 978-2-330-03737-6

jeudi 21 juillet 2016

Les Pieuses combines de Reginald, de Thomas Hervouët



Voici un roman réjouissant ! Il met en scène cathos et athées, pour mieux cibler les travers des uns et les incohérences des autres…
Étant catholique moi-même, j'avais un peu peur. Mais comme le livre m'a été conseillé par une amie, catho elle aussi, je me suis dit que ça devait être sans danger. Et j'ai bien fait !

Reginald Le Vaillant est notaire. Marié à Blandine, fille du comte d’Époisses, il appartient à la frange catholique traditionnelle version « vieille France » de l’Église. Reginald et Blandine ont trois enfants, dont une fille, Athénaïs, qui est quelque peu au centre du roman (en fait, on n'entend tout bonnement jamais parler de ses deux frères). Athénaïs est étudiante aux Beaux-Arts et quasiment fiancée avec Elton Moulard, avocat et, surtout, représentant inénarrable de la gauche caviar la plus absolument anticléricale. Autant dire que la rencontre de ces deux mondes va faire des étincelles.
Mais voilà, on n'est pas dans le film « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu » !

L'intrigue principale n'est pas là (quoique!). En fait, Reginald doit assurer la succession d'une comtesse, et s'assurer, selon les vœux de la défunte, que l'héritier qu'elle a désigné, Jean-Arthur Chambourcy, fils de sa filleule, est bien catholique pratiquant. Si tel est le cas, la fortune de sa bienfaitrice lui reviendra. Dans le cas contraire, elle ira à l’Église. Pour s'assurer de la foi du jeune héritier, la Comtesse a désigné le Père Magnifis, curé de la paroisse et potentiel héritier si le filleul ne fait pas l'affaire.
Face à l'évident conflit d'intérêt qui s'annonce, Reginald Le Vaillant se présente comme garant de la bonne marche de la succession. Et tout irait très bien… s'il ne s'était trouvé que l'héritier potentiel est peintre et… ami d'Athénaïs.
Reginald se retrouve donc en position de force et de faiblesse. À condition d'influer correctement sur le cours des événements, il pourrait bien régler d'un coup ses problèmes : celui du mariage de sa fille avec un prétendant qui ne lui plaît pas… et celui de la succession de la Comtesse. Seulement voilà : le jeune Chambourcy semble ne pas être prêt à coopérer, d'autant qu'il ne doit rien savoir de la succession sous peine de l'invalider totalement !

On est là dans le burlesque, la parodie, la farce. C'est parfois énorme, trop gros pour être crédible, mais on se laisse finalement prendre au jeu et ça fait du bien. Les personnages sont drôles et attachants, plutôt imprévisibles tout en correspondant parfaitement aux archétypes qu'ils représentent. Tous les petits travers des cathos, mais aussi des autres, sont mis en exergue et ça fait, là aussi, du bien de se voir avec ce regard affûté et pourtant tendre de l'auteur. J'ai particulièrement apprécié la description de l'assemblée de prière : c'est exactement ça !
J'ai aussi beaucoup accroché au style. Les incursions des réflexions personnelles de l'auteur sur la situation qu'il a lui-même créée rendent à mon sens le récit encore plus drôle, sans l'alourdir, parce qu'il met le tout en perspective, donc à distance. En bref, si vous avez aimé « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? », que vous soyez catholique ou non, vous devriez passer un bon moment avec ce livre. Parce que ce que j'ai aimé, c'est qu'à aucun moment, les personnages ne sont l'objet de moqueries de la part de l'auteur. Il y a un respect pour les diverses opinions présentées ici qui transparaît dans tout le récit, respect que l'on aimerait retrouver plus souvent dans la « vraie vie » d'ailleurs...


Paru aux éditions Quasar, 2014. ISBN : 978-2-36969-023-8.